La Petite Poule Rousse, c'était le conte préféré de Pierre Delye quand il était petit. Aujourd'hui, il le raconte à son tour dans un superbe ouvrage, ajoutant sa petite touche, personnalisant les animaux de la ferme, s'adressant aussi aux adultes, avec des jeux de mots glissés par-ci par-là : « les parents accompagnent la lecture, on s'adresse aussi à eux. Tous ces sens permettent au livre de vivre plus longtemps, de n'être pas épuisé après une lecture. » A la jolie histoire s'ajoutent les surprenants, excellents, enthousiasmants, dessins de Cécile, « un peu comme quand on écrit une chanson sans musique : je raconte ce qui se passe dans ma tête », Cécile le met en images, « recréant aussi l'histoire ». Être édité, une vraie difficulté, surtout pour un esprit libre comme Pierre : « je n'ai pas envie de faire du porte à porte, ce qui m'intéresse : travailler avec d'autres gens. Sur certaines histoires, on me demande de changer des choses, je n'en ai pas envie : elles sont toujours dans mes tiroirs ! » Passer au livre, ça l'amuse surtout, « avec un côté un peu prétentieux : regarder son nom sur la couverture, c'est jubilatoire »

Des histoires plein les tiroirs

 


Mais revenons-en au métier de conteur, bien différent de celui d'écrivain, « qui n'est pas présent pour raconter », faire naître des images dans la tête des gens, donner le rythme. « Je fais attention à ce que le public ait le temps d'imaginer. » Petit conseil du conteur : « La phobie de l'ennuie est redoutable, il faut que ça aille vite. En fait, le temps est terrible si on ne se l'approprie pas ! Pour lire, installez vous confortablement avec votre enfant. Ça peut durer dix petites minutes... qui seront rien qu'à vous ! » Quand Pierre raconte, il peut improviser, changer le menu selon l'humeur des spectateurs, leur nombre, le lieu. « L'important, pour le livre comme sur scène : raconter de la façon la plus juste, la plus sincère. » Notre conteur a toujours aimé narrer des histoires, d'abord des blagues Carambar, de Toto, puis dans une cabane perchée : « on chassait le sanglier dans mon jardin ! J'ai trouvé un moyen de gagner ma vie remarquable. Mais le plus important, ce sont les histoires, le conteur ne doit pas rester devant votre nez, on doit l'oublier, ce n'est qu'un guide qui vous emmène sur le chemin » de l'imaginaire... Malgré tout, vivre de cela reste difficile. À 22 ans, sans enfants, quand il s'est lancé, pas de souci pour mener cette vie d'artiste inconnu, sur les routes, les poches vides : « la fin du mois arrivait tôt ! Mais je n'avais pas envie d'attendre la retraite pour faire ce dont j'avais envie. » Il veut rappeler aux jeunes qu'on ne fait pas ce métier pour l'argent, « tout le monde ne pense qu'au salaire, à la reconnaissance, oubliant le plaisir du travail bien fait. » Pour le conteur, c'est « donner du plaisir aux gens. Les contes font rire, révoltent, émeuvent », que ce soit en Algérie, au Congo, à Grenay ou Le Quesnoy ! Un plaisir partagé : « j'aime autant raconter dans l'école de quartier de mon fils demain qu'au festival de Marcq-en-Baroeul en octobre ! » Sa seule peur : « Ne plus avoir d'idées me rendrait aussi inutile qu'un vieux pneu... Mais je me dis que l'inspiration se tarit s'y l'on n'y puise pas. »

« On raconte des histoires partout dans le monde »


« Partager un moment conté, c'est précieux », se divertir, c'est important, « si, après, ça fait réfléchir, tant mieux ! Mais je ne suis pas non plus un donneur de leçon ». Sous ses airs bonhommes et farceurs, Pierre s'inquiète aussi face à la politique culturelle actuelle. Et même en général, « on veut nous faire travailler plus pour vivre moins. Alors que travailler moins pour vivre plus, ce serait chouette ! » S'il a choisi ce métier, c'est aussi pour avoir du temps : « je suis un contre bandier ! »