Sortir Bordeaux Gironde : Vous avez un double cursus de formation en arts du cirque et en danse contemporaine, diriez vous que ce sont deux disciplines poreuses entre elles ?

Yoann Bourgeois : Oui, je dirais qu'elles sont poreuses entre elles, mais ni plus ni moins que les autres disciplines. Quand je fais un spectacle j'envisage la scène comme un tout, composé de temps, d'espace, de lumière, de son. Et je dois organiser tous les rapports entre ces éléments. Je développe en particulier un langage chorégraphique et des matières circassiennes. Je revendique cependant ce spectacle comme un spectacle de cirque, parce que le point de départ de ce travail est, lui, proprement circassien.

 

Sortir : Qu'est ce qui vous a guidé dans le choix de vos interprètes pour cette création ? Aviez-vous déjà collaboré avec eux auparavant ?

Y. Bourgeois : Je me suis surtout intéressé à ce qu'ils sont, plus qu'à ce qu'ils savent faire (même s'ils savent faire beaucoup de choses). Je cherche à travailler avec des personnes et non des savoir-faire. La création est une aventure, on ne sait pas où on va. Je voulais donc trouver des gens avec qui l'échange est aisé, et j'ai choisi des gens que j'avais croisé lors de mon parcours. Il y a Marie Fonte qui m'aide dans mes créations depuis les débuts de la compagnie, Vania Vaneau qui était ma collègue quand j'étais interprète pour la compagnie Maguy Marin et d'autres personnes que j'ai croisé lors de tournées ou vues sur scène. Avant la création, j'ai organisé des temps de laboratoire où j'ai convié beaucoup de gens, j'ai l'habitude de travailler avec des gens que je connais bien, des amis, mais cette fois-ci j'avais envie de me confronter à l'altérité. Je n'ai pas fait de choix par discipline, mais j'ai sélectionné les gens les plus « joueurs », parce que c'est avec eux que j'ai eu envie de travailler.

 

Sortir : Le dispositif scénique est aussi un interprète à part entière de votre spectacle, à travers cette plateforme qui semble animée par quelque chose...

Y. Bourgeois : Ce sont plutôt les interprètes qui sont animés par le dispositif scénique. La plateforme, elle, est animée par un dispositif technique, elle n'a donc pas le même statut que l'humain. Ce plateau est un principe moteur, les interprètes réagissent aux puissances mises en action par lui.

 

Sortir : La thématique de la chute est récurrente dans vos spectacles, que symbolise-t-elle ?

Y. Bourgeois : Pour moi c'est le premier et le plus grand drame.

 

Sortir : Dans le titre de votre pièce, qui est alors Celui qui tombe... ? Est-ce le joueur sur scène, est-ce le spectateur, est-ce chacun de nous ?

Y. Bourgeois : L'activation de cette question me plaît. Le titre a une fonction poétique qui active ce questionnement. Le choix de travailler avec des forces physiques comme la gravité développe une théâtralité particulière qui est polysémique. Dès lors, il fallait que j'ai un titre également polysémique, qui fasse proliférer l'imaginaire...

 

Sortir : Vous êtes, la plupart du temps, metteur en scène et interprète de vos spectacles. Dans Celui qui tombe, vous vous cantonnez à la mise en scène... en quoi cela change-t-il votre manière d'aborder celle-ci ?

Y. Bourgeois : Cela me permet de prendre du recul, dans tous les sens du terme. J'avais envie de radicaliser un parti pris qui est dans chacun de mes spectacles, c'est que toute situation naît d'un rapport de forces. J'avais besoin d'être en dehors de la scène pour tenir cette idée et pouvoir aller dans l'écriture de cette pensée. Quand on a à faire à un groupe il est beaucoup plus facile d'avoir cette distance. D'un autre côté, les autres spectacles de la compagnie, dont ceux dans lequel je suis interprète, continuent de tourner donc j'ai quand même une expérience quasi quotidienne du plateau. J'ai parfois senti des limites dans l'écriture quand je suis interprète, et ne pas l'être me permet de faire bouger ces limites en me déplaçant, et ce déplacement est vivifiant.

 

Sortir : Et maintenant, quels sont vos projets de création pour la suite ?

Y. Bourgeois : J'ai de nombreux projets dans des champs très variés, la chanson, le théâtre, le cinéma, l'exposition. J'ai une carte blanche en préparation au Panthéon à Paris. Je suis dans une phase d'étude qui ne me permet pas de dire, pour l'instant, lequel de ces projets sera le prochain...

 

 

Celui qui tombe, les 19 et 20 mars à 20h30 au Carré de Saint-Médard en Jalles. Tarifs : 9 à 22 euros. Infos et réservations sur www.lecarre-lescolonnes.fr