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On connaît la chanson

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Fruit du hasard ou effet d’aubaine dû à la pandémie et au grippage des tournées des artistes anglo-saxons ; toujours est-il que rarement on aura constaté une telle visibilité de la scène francophone. Une exposition qui ne rime pas forcément avec uniformisation. Connaît-on vraiment la chanson ?

Ce regain de la chanson dans l’air du temps trouve certainement son origine dans une conjonction d’initiatives bien antérieures au COVID. Quotas de diffusion, politiques publiques nationales et décentralisées, salles de musiques actuelles labellisées, critères économiques et écologiques… Pop, rock, rap, electro, chanteuses et chanteurs assument désormais pleinement le français dans le texte s’émancipant parfois autant des canons de la mondialisation que de la tradition nationale. Playlist de France Inter ou de Nostalgie, réseaux sociaux, la chanson ne manque pas d’airplay. Témoin de cette vitalité, l’intense présence de ces artistes cette semaine en région.

Slameur, rappeur, chanteur, auteur… Gaël Faye n’a que faire des étiquettes et se plaît à se définir comme « un pessimiste qui croit en l’avenir ». Comme MC Solaar, Abd al Malik ou Stromae avant lui, Gaël Faye trace son chemin et porte une voix singulière ayant l’écoute du grand public. Orfèvre des mots, de poésie en punchline, son univers croise Bujumbura et Paris, Harry Belafonte et Christiane Taubira.  Créole et finalement fidèle à ses débuts. « Pili Pili sur un croissant au beurre » titrait son premier album.

Hervé est lui aussi un métis dans sa démarche artistique. Relié au patrimoine par les rhizomes Gainsbourg et surtout Bashung il a conservé de ces monstres sacrés l’assurance d’un chant décomplexé des démonstrations techniques pouvant s’appuyer sur des textes assumés pleinement, frontalement. Mais Hervé est surtout un enfant de son époque baigné par le rap, l’electro, un peu de rock et une attention particulière à la production. Ici aussi sa novo-variété et sa démocratisation d’une prétendue érudition « indé » inquiètent les puristes. Bien fait.

Vingt ans de carrière, quelque chose comme neuf albums, une carrière d’auteur, compositeur, interprète, acteur et bien évidemment chanteur unanimement saluée… Benjamin Biolay ne semble pourtant pas être identifié comme un parrain. Une figure, une gueule d’une variété pop-rock adulte qui loin d’être clivante se joue des courants porteurs. Un peu comme son grand pote Raphaël avec qui il partage une certaine conception d’un standing mainstream bien de chez nous. Qualité France.

Plus discret en termes de notoriété, Mathieu Boogaerts infuse dans la scène française depuis de nombreuses années. On ignore s’il fuit volontairement le succès, mais sa pop décroissante nous enchante depuis des lustres. Ce n’est pas un malentendu car il aurait pu,  lui qui partagea un groupe de jeunesse avec Mathieu Chedid, travailla avec Tony Allen ou le producteur Tore Johansson. Il n’a pas fui mais a préféré tracer sa route, peut être en pèlerinage sur les chemins de Dick Annegarn ou Souchon, des références parfois encombrantes dans ses semelles de vent. Héros discret de la chanson française, inspiration manifeste pour nombre d’artistes souterrains cela ne l’empêche pas de sortir un nouvel album en anglais et de composer pour Vanessa Paradis, Luce ou Camélia Jordana. Figure libre.

The Pirouettes sont résolument pop, au sens warholien du terme si possible. Duo synthétique passé au brumisateur 80’s, ils sont bien plus consistants que leur apparente légèreté le laisse supposer. Une forme de méta-pop libérant les anciens « jeunes gens modernes ». Par facilité, on cite Elie et Jacno pour ce duo-couple bien dans sa « middle class » qui ne renie absolument pas France Gall et Michel Berger sans pour autant verser dans le revivalisme. Aussi ludique que son patronyme, The Pirouettes s’amuse de l’époque tout en y sautant à pieds joints. Résolument gentil, un rien régressif. Ciseaux à bouts ronds.

 

Publié le 11/10/2021 Auteur : Bertrand Lanciaux

Gaël Faye : 16/10, Aéronef, Lille

Hervé : 16/10, Métaphone, Oignies

Benjamin Biolay : 17/10, Colisée, Lens

Mathieu Boogaerts : 20/10, Grand Mix, Tourcoing + 21/10, Gare Numérique, Maubeuge

The Pirouettes : 20/10, Splendid, Lille-Fives

 


Mots clés : chanson pop