Les mineurs avaient fait un pacte : ils ne parleraient pas de ce qu'il s'était passé sous terre. Et c'est en cela que le livre est notable : leur témoignage, finalement, sera réservé à un seul auteur, pour un seul livre.
Héctor Tobar, « l'Élu » donc, raconte comment les 33 mineurs ont fait face à cette énorme masse de terre, comment ils ont éprouvé non seulement la famine et la chaleur infernale dans une obscurité totale, mais aussi la peine de laisser sa famille là-haut. Et observe ainsi que « quand on fait face à la mort, c'est l'amour qui remonte ».

Dans une première partie où Héctor Tobar choisit de raconter les 17 premiers jours de l'épopée, le lecteur constate une unité : quand les mineurs pensent qu'ils vont mourir, ils font front, à peu près ensemble. Un front déjà fragile qui se fissure dès qu'ils sont à nouveau en contact avec l'extérieur. Lorsqu'ils apprennent, grâce à une fibre optique et un petit écran descendus via une cavité, qu'ils sont devenus célèbres, le basculement s'opère. Cette petite faille qui leur permet, enfin, d'avoir de la nourriture et de l'eau leur apporte aussi des journaux (et des formulaires pour la sécurité sociale locale). A partir du moment où la communication s'établit, c'est une réalité très terre à terre qui les rattrape.

Quand l'ordre des choses s'impose
Le livre se construit sur cette dualité et raconte deux mondes : la famille en haut, les 33 en bas. Un récit permis par des interviews qui se faisaient chez les mineurs où « souvent, c'était ce que racontait la femme, la maitresse, qui était plus intéressant » raconte l'auteur. Côté mineur, les témoignages concordent : « il est difficile de mentir sur ce qui s'est passé quand 32 autres personnes le savent très bien. Plus que des mensonges, il s'agissait de rationaliser. Celui qui a volé la nourriture explique pourquoi, celui qui a abandonné son statut de leader se justifie, etc. » ajoute Héctor Tobar.
« On observe que les statuts de chef évoluent. Que le superviseur présent sur le lieux n'était pas un leader naturel. Sous terre, il n'a pas su quoi faire. Il a retiré son casque blanc, symbole de son statut de chef. Et beaucoup ont pris ça pour une trahison. C'était comme si un capitaine de navire décidait de ne plus être capitaine. Dans le même temps, c'est un homme tout en bas de l'échelle, Mario Sepulveda, qui fera preuve de charisme (ndlr, le personnage sera interprété par Antonio Banderas dans The 33, l'adaptation ciné, sortie prévue cette année).


Une Odyssée documentée

Le récit, avec ces histoires de folklore et de magie, n'est pas sans évoquer la littérature sud-américaine, ou du moins l'idée que l'on s'en fait. Car la vie piégée dans la mine est synonyme de peur, notamment parce que selon les croyances chiliennes, le diable vit dans les mines... Une croyance d'autant plus forte que la mine de San José, une immense vallée souterraine, offre une obscurité profonde. La légende locale raconte même que quand un mineur est dépressif, il peut aller « s'achever dans la mine »...

A toute cette histoire, il reste sans doute des parts d'ombres mais « tout ce qui est dans le livre est, autant que je puisse en juger, vrai. Après, je n'étais pas avec eux... » conclut Héctor Tobar. « Le livre est surtout une restitution, non seulement des trahisons qu'il y a pu avoir entre eux, mais de l'incroyable aventure, de cette épreuve physique, vécue par ces hommes. ». Et c'est en ce sens qu'elle est semblable à L'Odyssée d'Homère : il ne s'agit finalement que d'un histoire d'hommes qui veulent rentrer chez eux. Leurs sirènes à eux, c'était l'appel de la fortune. Aujourd'hui, beaucoup en sont revenus et sont retournés travailler. Pour certains, dans des mines.